Journée internationale de la visibilité trans : pour un meilleur traitement journalistique

Le 31 mars marque la journée internationale de visibilité transgenre, aussi connue sous le nom de TDoV pour « Trans Day of Visibility», un événement annuel destiné à célébrer les personnes transgenres et à faire prendre conscience de la discrimination qu’iels subissent dans le monde.

L’occasion pour l’Association des journalistes LGBTQIA + (AJL) de dénoncer la complicité de certains médias dans la diffusion de la transphobie qui va grandissante en France et la multiplication des fausses informations véhiculées par les mouvements transphobes.

Aux Etats-Unis, la transphobie atteint son paroxysme, avec la tentative d’effacement pur et simple des personnes transgenres et/ou non-binaires par l’administration Trump, qui va jusqu’à nier leur existence et multiplie les décrets visant à faire reculer leurs droits, de même que les « Etats rouges » gouvernés par des républicains.

Ces discriminations, qui portent atteinte aux droits humains, interviennent au nom de la seule reconnaissance de deux « sexes immuables » par le gouvernement fédéral, en dépit de toute réalité scientifique et anthropologique, la notion de genre étant qualifié d’« invention woke » par Donald Trump.

Malgré les nombreux travaux scientifiques venant contrecarrer les affirmations hâtives et idéologiques du président américain, pléthores de médias américains ont véhiculé ses idées. Si l’on est peu surpris·es par les prises de position de Fox News et autres Washington Timesle documentaire Highened Scrutiny, présenté par Sam Feder au festival du film de Sundance 2025, a dénoncé le rôle des médias grand public de centre-gauche dont le New York Times, le Washington Post et The Atlantic dans la légitimation des législations anti-trans.

Présenté·es comme « une épidémie »

En France, cet obscurantisme et cette haine de l’autre se répandent peu à peu, portés par des groupes conservateurs. Ceux-ci mènent campagne pour limiter voire même revenir sur les avancées législatives concernant les droits des personnes trans, comme le racontent Maud Royer, militante trans, féministe et présidente de l’association Toutes des femmes, dans son essai Le lobby transphobe (Textuel, 2024), ou encore le journaliste Elie Hervé dans Transphobia (Solar, 2025).

En quête de sensationnalisme, certains médias jouent un rôle majeur dans la diffusion de ces idées transphobes, en donnant une plateforme aux fausses informations et aux discours haineux véhiculés par ces groupes, tout en les amplifiant. A la télévision, les personnes trans sont présentées comme « un phénomène de mode » (M6, Karine Lemarchand), « une épidémie » (Elisabeth Roudinesco dans Quotidien, TMC), « une contagion sociale » (Radio-télévision suisse), comme le raconte Elie Hervé.

Ces mots sont repris sans trop de surprise dans certains médias de presse écrite, comme Le FigaroMarianne ou encore L’Express, dont le traitement obsessionnel, alarmiste et peu rigoureux de ces questions, participe largement à la création de « paniques morales » autour des transidentités, comme nous le pointions dans une étude parue en 2023« Tuée car elle était un homme », a-t-on aussi pu lire en bandeau de BFTMV après l’assassinat de Géraldine, femme trans et travailleuse du sexe de 30 ans, validant la dangereuse réthorique de la « trans panic defense » tout en mégenrant la jeune femme assassinée. Récemment, nous dénoncions encore le mauvais traitement journalistique des agressions transmisogynes en nous appuyant sur un fait divers survenu à Toulouse.

Mais les titres qui ont fait leur beurre de ces obsessions ne sont pas les seuls à ouvrir leurs colonnes aux transphobes : ce fut le cas par exemple de Télérama, qui publiait en mars 2023 un portrait élogieux de la sculptrice Laetitia Ky, laquelle milite pourtant ouvertement contre les droits des personnes trans, sans mentionner sa proximité avec les Terf (« trans-exclusionary radical feminists », « féministes radicales excluants les trans »).

Punching-ball

Il n’est pas non plus acceptable d’inviter des personnes trans sur des plateaux de télévision pour servir de punching-ball et « débattre » de leur propre existence face à des transphobes notoires, qui ne sont même pas présenté·es comme tel·les dans ces émissions. Et que dire du tapis rouge déroulé aux deux autrices d’un pamphlet transphobe paru en 2024, qui ont écumé les plateaux télévisés et les radios ? Fort heureusement, leur proximité évidente avec l’extrême droite et leur parole ouvertement haineuse les ont cantonnées aux médias de ce bord politique. Mais celleux qui avancent masqué·es pour répandre leurs messages de haine, sous couvert « d’inquiétude » pour les enfants, se revendiquant expert·es de sujets qu’iels ne maîtrisent pas, ne trouvent pas toujours portes closes.

Nous attendons de nos consoeur·frères un traitement responsable et respectueux des personnes, loin des emballements sensationnalistes, de la curiosité malsaine et de la désinformation. Nous appelons de nos vœux une parole donnée aux concerné·es, trop souvent rendu·es inaudibles ou jeté·es en pâture dans des émissions qui se veulent « divertissantes ». Nous attendons aussi d’elleux une immense rigueur journalistique, notamment dans le choix de leurs interlocuteur·ices pour leur domaine d’expertise. Alors que la Haute Autorité de Santé (HAS) s’apprête à publier ses recommandations concernant l’accompagnement médical des personnes trans de plus de 16 ans, plus que jamais, nous devons nous astreindre à cette sobriété et à cette exigence. Pour cela, nous vous invitons à consulter notre kit de bonnes pratiques à l’usage des rédactions.

L’Association des journalistes LGBTQIA + (AJL)

Contact : contact@ajlgbt.info