Il y a dix ans, le mariage pour tous était voté, entraînant avec lui un flot de paroles LGBTQIphobes déversé à heure de grande écoute. Dans les médias, fake news, « débats » en l’absence des concerné·e·s et micros tendus aux militants homophobes ont donné lieu, en réaction, à la naissance de l’Association des Journalistes LGBTQI+ (AJL). En 2023, nous constatons que les mêmes mécanismes médiatiques sont toujours en place, désormais dirigés contre les personnes trans. Ce qui a motivé la création de l’AJL en 2013 continue à justifier la nécessité d’une telle association 10 ans après.
L’AJL a souhaité étudier précisément la façon dont les médias traitent le sujet des transidentités. Pendant 16 semaines, nous avons recensé chaque article évoquant les transidentités sur les 21 médias français en ligne les plus lus. L’AJL a ainsi évalué 434 articles au total. Cette étude de fond à la fois quantitative et qualitative est disponible à cette adresse : transidentites.ajlgbt.info
Le Figaro : le média le plus prolifique sur la transidentité !
D’un point de vue purement quantitatif, le site web du quotidien Le Figaro est de loin celui qui a publié le plus d’articles évoquant les transidentités : 70 au total, soit plus d’un article sur 6 de notre étude. A titre de comparaison, l’étude recense 4 articles pour L’Équipe ou 29 pour Franceinfo. Le Figaro est aussi l’un des trois médias sur le podium du nombre d’articles de « mauvaise qualité » publiés durant la durée de l’étude. Autrement dit, le média le plus prolifique sur les sujets liés à la transidentité est l’un de ceux qui en parle le plus mal. L’Express et Marianne complètent ce trio de tête. À eux trois, ils comptent un quart des articles retenus dans notre corpus.
Cette abondante production ne reste pas confinée aux sites internet de ces quelques médias, mais donne le ton dans le paysage médiatique et propage de véritables paniques morales, visibles au-delà des limites de notre étude (télévision, radio, presse régionale, réseaux sociaux). Une stratégie éditoriale qui peut s’avérer payante idéologiquement : multiplier les articles sur le sujet permet d’être considéré comme expert par l’algorithme de référencement de Google – c’est la base du SEO ; ou bien par le programmateur d’un débat sur une chaîne télévisée.
Les mêmes réflexes que face à la manif pour tous
Sensationnalisme, manque de rigueur dans les données scientifiques, sources contestables, tribunes offertes à une rhétorique anti-trans, invisibilisation de la parole des concerné·e·s… À l’AJL, ces constats nous rappellent les longs mois de débats sur le mariage pour tous – et plus tard la PMA pour tout·e·s – et l’espace médiatique largement ouvert à ses opposant·e·s.
Globalement, un traitement qui s’améliore
L’AJL constate tout de même une nette amélioration du traitement médiatique des transidentités, enfin perçues comme un sujet d’actualité à part entière. De plus en plus de médias semblent appliquer les recommandations de notre kit pour un traitement plus juste et respectueux des personnes LGBTI, y compris des personnes trans. Les deadnames (ou morinoms) sont moins employés, mais seuls 20,9% des articles étudiés donnent la parole à une personne trans, notamment pour aborder autre chose que sa transidentité.
Afin d’analyser les résultats de cette étude sur le traitement médiatique des transidentités, l’AJL a réalisé un entretien croisé avec les sociologues Karine Espineira et Alex M. Mahoudeau.