Yasmina Cardoze, journaliste et diplômée de lettres modernes, bisexuelle et membre de l’AJL, se penche sur la différence entre les termes « bi» et « pan » à l’occasion de la Journée internationale de la bisexualité, dimanche 23 septembre 2018.
Quand l’artiste Janelle Monáe a fait son coming-out, en avril 2018, elle a expliqué s’identifier comme pan. Quelques articles ont fleuri pour expliquer, mais la confusion demeure. Au sein de la communauté LGBT elle-même, tout le monde n’est pas d’accord sur la définition. Mais si on résume, être panromantique ou pansexuel, c’est être attiré par toutes les personnes sans distinction de genre. Être bi·e, c’est être attiré par deux genres ou plus. Ces deux identités se rejoignent.
Certaines personnes préfèrent utiliser le mot « pan » pour faire comprendre qu’elles reconnaissent toutes les identités de genre mais aussi parfois pour se distinguer de certaines personnes bies qui rejettent les personnes trans ou non-binaires. D’autres s’identifient comme pan car iels* s’identifient aussi comme non-binaires : iels préfèrent retirer l’idée de binarité du mot pour leur orientation sexuelle. D’autres encore sont attachés à l’un ou l’autre terme pour des raisons historiques ou sentimentales.
Personnellement, je me présente comme bie ou pan. Je suis plus attachée au mot « bie », parce que c’est celui que j’ai découvert à 18 ans, quand j’ai compris que trouver les filles attirantes n’était en fait pas une vérité universelle – contrairement à ce que m’avaient fait croire tous ces livres écrits par des hommes hétéros – mais plutôt queer. J’avais déjà rencontré des garçons, je savais que certains me plaisaient. Je n’avais par contre jamais entendu parler des personnes non-binaires. J’ai découvert leur existence à peu près au même moment que j’ai découvert le mot « pan ». Après une courte réflexion (qu’on peut résumer par « Ah cette très charmante personne est non-binaire ? OK, noté, j’aime vraiment tout le monde, je me simplifie pas la vie ! »), j’ai décidé de me présenter comme bie ou pan, selon mon interlocuteur ou le milieu, de porter des badges avec les deux drapeaux, d’accepter Janelle Monae et Freddie Mercury comme mes saint·e·s patron·ne·s.
Les mots de la communauté LGBT+
La légende veut que le violet du drapeau représente les personnes non-binaires, tandis que le rose serait pour les filles et le bleu pour le garçon. Mais ce n’était pas l’intention de son créateur, Michael Page. Pour autant, les personnes non-binaires – qu’iels soient bi·e·s ou objet du désir des bi·e·s – étaient bien incluses très tôt. En 1990, dans la revue américaine Anything Moves paraissait le « Bisexual Manifesto ». On peut notamment y lire : « Ne supposez pas que la bisexualité est binaire ou bigame par nature : que nous aurions “deux” facettes ou que nous devrions avoir des relations simultanées avec les deux genres pour être des personnes épanouies. En fait, ne supposez pas qu’il n’y a que deux genres. »
Contrairement à ce que redoute parfois la société, les mots de la communauté LGBT+ ne sont pas des cases dans lesquelles nous nous enfermons. Contrairement à ce que prétendent les personnages bis à la télé, nous ne sommes pas des êtres détachés du lexique, qui « n’aiment pas les étiquettes ». Comme dirait mon chat, les boîtes j’aime pas qu’on me force à y rentrer mais j’adore m’y installer tout seul. Les mots nous aident à nous connaître et à nous définir face aux autres, ils revêtent des réalités et des contextes qui sont mouvants et évoluent, ou non, avec eux.
Yasmina Cardoze
* Le pronom inclusif « iels », contraction de « ils » et « elles », est également utilisé par les personnes non-binaires.