Alors que la «Manif pour tous» s’apprête à nouveau à défiler à Paris, dimanche 2 février, l’Association des Journalistes Lesbiennes, Gay, Bi, Trans (AJL) appelle ses consœurs et ses confrères à la plus grande rigueur professionnelle.
L’année dernière, lors du débat sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, les médias ont tendu leurs micros à Frigide Barjot, alors représentante de «La Manif pour tous», ainsi qu’aux porte-paroles de mouvements, comme Civitas, prônant clairement que tous les êtres humains ne se valent pas. La ligne éditoriale alors en vigueur était : tout le monde a le droit à la parole, laissons ces manifestant·e·s s’exprimer. Surtout lorsque ces mouvements fournissent du fuel à l’information en continu et dopent les audiences…
Aujourd’hui, la «Manif pour tous» s’est fixé comme nouvel objectif la défense de rôles séculairement établis entre les sexes, notamment contre le droit des femmes à disposer librement de leur corps, et leurs attaques contre la non-existante «théorie» du genre visent directement les personnes trans.
L’AJL tient à rappeler cette évidence: Faire son travail de journaliste, c’est rendre compte des phénomènes politiques et sociétaux, quels qu’ils soient, mais c’est aussi déjouer les pièges de la communication, remettre les événements en perspective, ne pas transformer son journal en tribune libre.
L’AJL recommande donc :
– de faire attention au vocabulaire utilisé. Reprendre les termes promus par la «Manif pour tous» («théorie» du genre, «défense» de la famille…), c’est déjà basculer dans la communication.
– d’enquêter sur le fond du sujet: par exemple, sur la véracité des nombreuses associations que la «Manif pour tous» est censée regrouper (quelques articles avaient révélé l’année dernière que beaucoup d’entre elles n’étaient que des coquilles vides)
– d’interroger les liens entre la «Manif pour tous» et le mouvement «Jour de colère», supposément moins respectable mais qui partage avec elle de nombreuses idées (et sympathisant·e·s).
L’année dernière, la surmédiatisation des opposant-e-s au mariage pour tous a fait de nombreux dégâts, encore perceptibles aujourd’hui : banalisation de la parole anti-gay, recrudescence des signalements d’actes homophobes, lesbophobes et transphobes auprès des associations.
En tant que journalistes et en tant que personnes LGBT (Lesbiennes, Gay, Bi, Trans), nous savons que cela aurait pu être évité si nos médias avaient fait preuve de plus de pugnacité journalistique face à ces mouvements. Cette fois-ci, ne retombons pas dans le piège. Faisons notre métier avec discernement. Ne le ferions-nous pas s’il s’agissait de mouvances prônant les discriminations entre Noirs et Blancs? Le devoir d’information ne doit pas se limiter à tendre son micro.