En finir avec l’invisibilité des lesbiennes

Où est le problème?

Sexisme et lesbophobie: double peine pour les lesbiennes. Déjà sous-représentées en tant que femmes dans les médias (seulement 24% des interviewé-e-s ou des personnes dont on parle, tous supports confondus selon l’enquête Global Media Monitoring Project-GMMP 2010), elles le sont encore davantage en tant qu’homosexuelles. Résultat, les lesbiennes sont quasi absentes des médias, même sur des sujets qui les concernent directement, comme la Procréation Médicale Assistée.

Pour évoquer les thématiques LGBT, ce sont les hommes gays qui sont invités à s’exprimer. Et quand, par bonheur, on finit par apercevoir les lesbiennes au détour d’un reportage, difficile d’échapper aux poncifs et aux représentations qui les enferment dans un stéréotype: ceux de la «camionneuse hommasse» ou de la «mal baisée hystérique et agressive» ou celui, tout aussi sexiste, d’une femme «sans sexualité». Si la sexualité des gays est vue comme débridée, celles des lesbiennes est tout simplement niée.

Attention, pente glissante!

«Des femmes qui préfèrent les femmes»
Utliser le mot «lesbienne» n’est vraiment pas un problème surtout s’il permet d’éviter le très abstrait «un relation forte entre deux femmes», le poétique mais inexact «chère amie» ou l’hétérocentré, long et ringard «une femme qui préfère les femmes». Préférer suggère, en effet, qu’on aime deux choses dont l’une plus que l’autre. Ici, il s’agit de femmes qui couchent avec d’autres femmes, il n’est pas question d’autre chose. Une femme peut très bien aimer les femmes et pas les hommes. Cette expression est d’ailleurs particulièrement savoureuse puisqu’elle laisse gentiment aux femmes, ces créatures capricieuses et changeantes, le droit de choisir ce qu’elles préfèrent. Quelle largesse!

«Entre deux femmes, ce n’est pas vraiment du sexe»
Dans l’imaginaire collectif hétérosexuel, pas de rapport sexuel sans pénis ! Globalement, on n’a «couché» qu’à partir du moment où il y a eu pénétration masculine et de ce fait, pour beaucoup, le plaisir lesbien ne serait qu’une forme d’affection très prononcée. Mais entre femmes on peut aussi «faire l’amour», «jouir» et même se «pénétrer» et pas juste se «fouiller le sexe» comme on a pu le lire dans une critique du film La Vie d’Adèle. Sachez aussi que le couple lesbien tel qu’il est représenté dans le porno hétérosexuel —ce duo érotisé qui patiente en jouant à des jeux coquins— n’est pas toujours fidèle à la réalité des pratiques.

«Lesbienne mais féminine!»
Être lesbienne, c’est une orientation sexuelle, pas un look vestimentaire! Du coup, pas besoin de dire avec surprise qu’une femme est «lesbienne mais féminine». S’en étonner, c’est maintenir les lesbiennes dans des stéréotypes de genre d’un autre âge. D’autant que les journalistes ont déjà tendance lorsqu’ils présentent une femme hétéro à insister sur ses caractéristiques physiques («Cette jolie brune», «cette charmante cinéaste aux yeux bleus», «Cette musicienne qui nous prouve que talent et beauté peuvent faire bon ménage»), beaucoup plus que pour un homme. En outre, il existe autant de sortes de lesbiennes que de sortes de femmes.

«Le dégoût des hommes»
Des phrases comme «Son précédent compagnon, violent, l’a dégoûtée des hommes» ou «Elle a sûrement eu une mauvaise expérience avec les hommes», ou «Elle n’a pas trouvé celui qu’il lui fallait» ou encore «Avec son physique, pas étonnant» résument à elles seules les pires clichés qu’on puisse entendre sur les lesbiennes. Être lesbienne n’est pas une orientation sexuelle par défaut. On n’est pas lesbienne faute d’avoir trouvé mieux. Notons aussi que dans les exemples précédents, il est toujours question des hommes. Et si, justement, pour une fois, il ne s’agissait pas d’eux?

Homophobie ou lesbophobie?

Dans l’inconscient collectif, les termes «gay» et «homo» renvoient aux hommes. Soyons précis, donc, lorsqu’ils s’agit de lesbiennes, d’autant que leurs problématiques (voir ci-dessus) ne sont pas forcément les mêmes que celles des gays. Pour parler d’un groupe mixte, parlons donc plutôt de «gays et de lesbiennes», pas juste d’«homosexuels». De la même façon, n’hésitons pas à parler de «lesbophobie» et pas juste d’«homophobie».

Le poids des mots, le choc des photos

Difficile de rendre compte de toute la diversité d’une communauté en une seule photo! Ainsi, chaque année, de nombreux médias choisissent d’illustrer la Marche des fiertés (ex-Gay Pride) avec des images de personnes très maquillées (généralement des hommes), vêtues de tenues exotiques ou presque dévêtues… Pourquoi pas, c’est joyeux, coloré et c’est une des facettes de la communauté LGBT, mais essayons d’être attentif-ve à varier les représentations. Dans ce genre de manifestations, on trouve aussi des femmes, des jeunes, des vieux, maquillés, à barbe, à talons ou en sandales, en tee-shirt ou en chemise. Attention également si vous réutilisez plus tard ces photos (ou vidéos). Les images de La Marche des fiertés sont souvent resservies pour illustrer n’importe quelle actualité concernant les personnes LGBT. N’oublions donc pas de dater ces documents (et de les sourcer) et de toujours se poser la question de la pertinence de cette réutilisation. Pour ce qui est des légendes (ou de la voix off), il est important de respecter le souhait des personnes interrogées sur leur anonymat et/ou sur la manière dont elles veulent être désignées.

Pour aller plus loin…

Une grammaire non sexiste
Le masculin l’emporte toujours sur le féminin. Cette règle de grammaire toute simple structure nos esprits et exclut implicitement les femmes. Pourquoi ne pas parler d’«homosexuel-le-s»? Ou de l’élection «du ou de la futur-e président-e de la République»? —on préférera un «tiret» ou un «point»: ne mettons pas les femmes entre parenthèses.