AJL https://www.ajlgbt.info Association des journalistes lesbiennes, gays, bi•e•s, trans et intersexes Wed, 22 Feb 2023 11:25:52 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.4.3 https://www.ajlgbt.info/wp-content/uploads/2017/05/cropped-emoticon_ajl-32x32.jpg AJL https://www.ajlgbt.info 32 32 Transidentités : de l’invisibilisation à l’obsession médiatique https://www.ajlgbt.info/blog/2023/02/22/transidentites-de-linvisibilisation-a-lobsession-mediatique/ Wed, 22 Feb 2023 11:02:53 +0000 https://www.ajlgbt.info/?p=1450 [...]]]>

Il y a dix ans, le mariage pour tous était voté, entraînant avec lui un flot de paroles LGBTQIphobes déversé à heure de grande écoute. Dans les médias, fake news, « débats » en l’absence des concerné·e·s et micros tendus aux militants homophobes ont donné lieu, en réaction, à la naissance de l’Association des Journalistes LGBTQI+ (AJL). En 2023, nous constatons que les mêmes mécanismes médiatiques sont toujours en place, désormais dirigés contre les personnes trans. Ce qui a motivé la création de l’AJL en 2013 continue à justifier la nécessité d’une telle association 10 ans après. 

L’AJL a souhaité étudier précisément la façon dont les médias traitent le sujet des transidentités. Pendant 16 semaines, nous avons recensé chaque article évoquant les transidentités sur les 21 médias français en ligne les plus lus. L’AJL a ainsi évalué 434 articles au total. Cette étude de fond à la fois quantitative et qualitative est disponible à cette adresse : transidentites.ajlgbt.info

Découvrir l’étude

Le Figaro : le média le plus prolifique sur la transidentité !


D’un point de vue purement quantitatif, le site web du quotidien Le Figaro est de loin celui qui a publié le plus d’articles évoquant les transidentités : 70 au total, soit plus d’un article sur 6 de notre étude. A titre de comparaison, l’étude recense 4 articles pour L’Équipe ou 29 pour Franceinfo. Le Figaro est aussi l’un des trois médias sur le podium du nombre d’articles de « mauvaise qualité » publiés durant la durée de l’étude. Autrement dit, le média le plus prolifique sur les sujets liés à la transidentité est l’un de ceux qui en parle le plus mal. L’Express et Marianne complètent ce trio de tête. À eux trois, ils comptent un quart des articles retenus dans notre corpus.

Cette abondante production ne reste pas confinée aux sites internet de ces quelques médias, mais donne le ton dans le paysage médiatique et propage de véritables paniques morales, visibles au-delà des limites de notre étude (télévision, radio, presse régionale, réseaux sociaux). Une stratégie éditoriale qui peut s’avérer payante idéologiquement : multiplier les articles sur le sujet permet d’être considéré comme expert par l’algorithme de référencement de Google – c’est la base du SEO ; ou bien par le programmateur d’un débat sur une chaîne télévisée.

Les mêmes réflexes que face à la manif pour tous


Sensationnalisme, manque de rigueur dans les données scientifiques, sources contestables, tribunes offertes à une rhétorique anti-trans, invisibilisation de la parole des concerné·e·s… À l’AJL, ces constats nous rappellent les longs mois de débats sur le mariage pour tous – et plus tard la PMA pour tout·e·s – et l’espace médiatique largement ouvert à ses opposant·e·s. 

Globalement, un traitement qui s’améliore


L’AJL constate tout de même une nette amélioration du traitement médiatique des transidentités, enfin perçues comme un sujet d’actualité à part entière. De plus en plus de médias semblent appliquer les recommandations de notre kit pour un traitement plus juste et respectueux des personnes LGBTI, y compris des personnes trans. Les deadnames (ou morinoms) sont moins employés, mais seuls 20,9% des articles étudiés donnent la parole à une personne trans, notamment pour aborder autre chose que sa transidentité.

Afin d’analyser les résultats de cette étude sur le traitement médiatique des transidentités, l’AJL a réalisé un entretien croisé avec les sociologues Karine Espineira et Alex M. Mahoudeau.

]]>
Transphobie en prime time https://www.ajlgbt.info/blog/2022/10/12/transphobie-en-prime-time/ Wed, 12 Oct 2022 12:24:53 +0000 https://www.ajlgbt.info/?p=1432 [...]]]> Transphobie en prime time :
l’Association des journalistes LGBTI saisit l’Arcom

Le jeudi 6 octobre, M6 a décidé de consacrer sa soirée à la trans…phobie.

Ce soir-là, le documentaire Trans : uniques en leur genre ainsi que le débat Enfants trans : que faire ?, tous deux animés par Karine Le Marchand, ont été diffusés sur la chaîne. Comme les extraits et la communication de la chaîne le laissaient penser (voir notre thread du 4 octobre 2022), sensationnalisme et images chocs ont, une nouvelle fois, été préférés à l’information ; des écueils que nous évoquions déjà dans notre émission sur la représentation de la transidentité dans les médias

Alors que les personnes trans étaient censées être au cœur de cette soirée, leur temps de parole fut minime. Que ce soit dans le documentaire, où elles ont été souvent remplacées par les membres de leur famille ou les médecins. Ou pendant le débat, lors duquel la parole était confisquée par deux membres de groupes ouvertement transphobes (le collectif Ypomoni et le podcast “Rebelles du genre”), ce qui n’était pas précisé lors de leur présentation. 

Étant donné un tel dispositif, les fausses informations ont été assénées sans être sourcées ni contredites, à une heure de grande écoute, sur une chaîne historique de télévision.

Il faut ajouter à cela l’irrespect “habituel” dont sont victimes les personnes trans dans les médias, même quand ceux-ci prétendent avoir, comme le fait Karine Le Marchand, les meilleures intentions du monde. Mégenrages et formules au moins maladroites, souvent violentes et graves (“lobby LGBT”, “mutilations”…), ont été légion. À nouveau, l’AJL invite les médias, et M6 en particulier, à consulter son kit “Informer sans discriminer”. 

Des ressources scientifiques auraient pourtant pu être mobilisées lors de ce débat. Par exemple, sur la question de l’éthique médicale : de multiples études (étude 1, étude 2, étude 3, étude 4) prouvent que la santé mentale et physique des personnes trans se trouve fortement améliorée par l’accès à une transition. 

L’AJL veut rappeler à ses confrères et consœurs l’exigence de la déontologie journalistique, celle qui nous commande de faire appel à des expert·e·s et à des personnes concernées par les sujets traités. Celle qui nous commande de ne pas placer au même niveau une opinion sans sources relevant de l’incitation à la haine et une expertise basée sur des décennies de combats et de travaux relus par des pairs. Cette déontologie qui nous commande de ne pas diffuser de fausses informations, ni d’encourager des paniques morales qui mettent les droits et l’intégrité des personnes trans en danger.

À l’heure où SOS homophobie, dans son rapport annuel publié en 2022, pointait une hausse des actes transphobes (179 en 2021 d’après l’association). Alors que les personnes trans continuent d’être rejetées par leurs familles ou dans le milieu scolaire. Alors que la parole transphobe semble trouver de plus en plus de micros pour se faire entendre, M6 a pris la responsabilité de diffuser, à une heure de grande écoute, un documentaire suivi d’un débat accumulant les clichés éculés, les approximations irrespectueuses, voire insultantes, et une désinformation dangereuse pour les personnes trans. Ce procédé est honteux et scandaleux.

Nous signalons cette production à l’Arcom et restons ouvert·e·s à la discussion avec la production de l’émission.

Les collectifs Représentrans et Toutes des Femmes se joignent à notre message et soutiennent notre signalement.

Contacts presse :
Yasmina Cardoze, co-présidente : yasmina@ajlgbt.info
Yanis Chouiter, co-président : yanis.chtr@gmail.com 

Annexe :
Fausses informations prononcées durant le débat

Le débat faisant suite à l’émission a laissé passer nombre de fausses informations qui n’ont pas été relevées ni corrigées par l’animatrice. Nous en faisons ici l’inventaire pour apporter un éclairage et lutter contre la désinformation, laquelle a un impact délétère sur la vie et les droits des personnes trans.

 – “changer de sexe, ça n’existe pas dans la nature” : de nombreux aspects de la société humaine n’apparaissent pas chez d’autres espèces (le journalisme, par exemple) et cet argument revient à nier le vécu de nombreuses personnes, tout en confondant sexe biologique et identité de genre. Aux esprits curieux et à titre anecdotique, nous signalons que le changement de sexe biologique est une réalité documentée chez d’autres espèces (plantes, poissons, reptiles…).

– La question d’une dépendance aux hormones : cet argument ignore le rôle réel des hormones naturellement produites par le corps humain et essentielles à son fonctionnement. L’insuline, vitale pour les personnes diabétiques, est notamment une hormone. De nombreuses contraceptions sont hormonales, et les effets indésirables de la ménopause sont souvent traités par des traitements hormonaux. De plus, cet argument était accompagné d’une rhétorique validiste (“créer un handicapé à vie […] dépendant du système de santé”).

”Les bloqueurs de puberté sont dangereux” : la littérature scientifique actuelle démontre, au contraire, que la prise de bloqueurs de puberté est bénéfique dans la majorité des cas et réduit notamment les risques de suicide.

– La clinique de Tavistock : Karine Le Marchand et Blandine affirment que cette clinique ferme car de nombreuses familles auraient été poussées à “faire transitionner leurs enfants”. Une information reprise par des sites conservateurs à la suite d’un article du Sunday Times, qui rapporte que les avocats de la clinique se préparaient à un procès avec 1 000 plaignant·e·s. S’il y a bien eu un procès, il n’y avait qu’une seule plaignante. Par ailleurs, la clinique n’a pas fermé pour mettre un terme aux transitions médicales, mais pour améliorer l’accès aux soins des personnes trans. La docteure Hilary Cass, autrice de l’audit demandé par le gouvernement britannique sur cette clinique, s’est exprimée sur son site.

“C’est la faute des réseaux sociaux” : cette affirmation provient d’une étude américaine sur la “Rapid Onset Gender Dysphoria” (ROGD) publiée en 2018. Cette étude a été dépubliée et republiée par la revue PLOS One sous un autre titre, et d’autres travaux critiques mettent au jour des données contredisant cette hypothèse. Mais elle sert toujours d’argument aux mouvements conservateurs, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, et se fait peu à peu une place en France. De plus, la ROGD n’est reconnue par aucun des organismes médicaux qui prennent en charge des personnes trans depuis des décennies (comme la WPATH).

“Mon fils n’avait jamais manifesté de désir de changer de genre” : tout au long du débat, Karine Le Marchand a laissé Solange mégenrer sa fille trans ; cette dernière a témoigné dans un thread sur Twitter, en désaccord avec le récit de sa mère. La production de M6 a-t-elle essayé de la contacter, pour respecter le contradictoire ? 

“Le processus de transition doit être encadré” : il existe déjà un parcours de soins, disponible sur le site de la Haute Autorité de Santé. Un rapport du gouvernement de 2022 liste des recommandations pour un meilleur encadrement, facilitant l’accès aux soins, jugé trop restrictif.

]]>
Situation des LGBTQI+  en Ukraine : « On manque de tout. » https://www.ajlgbt.info/blog/2022/06/24/situation-des-lgbtqi-en-ukraine-on-manque-de-tout/ Fri, 24 Jun 2022 18:17:10 +0000 https://www.ajlgbt.info/?p=1421 [...]]]> Anna Leonova, 42 ans, est membre de la Gay Alliance Ukraine. L’association aide les personnes LGBTQI+ d’Ukraine depuis 2009. Avec la guerre, la communauté est plus que jamais vulnérable.

Dans la capitale ukrainienne, un immeuble endommagé par un avion russe.

Quelle est la situation en Ukraine pour les personnes LGBTQI+?

La situation des personnes LGBTQ+ en Ukraine était compliquée bien avant la guerre, et bon nombre de ces problèmes ont été exacerbés depuis. Si toustes les Ukrainien·nes font face à des violences à cause de la guerre, la situation des personnes LGBTI est encore plus difficile, parce que ces personnes subissent des discriminations en plus.

Une partie des Ukrainiens, par exemple, reprochent aux personnes assignées femmes d’être restées. Les femmes ont la possibilité de quitter l’Ukraine, ce qui n’est pas le cas des hommes jugés en âge de combattre. De plus, elles sont vues comme moins fortes, moins combatives et comme une bouche en plus à nourrir. Beaucoup de personnes ne comprennent vraiment pas pourquoi elles restent.

Que pensez-vous de la couverture médiatique de la situation des personnes LGBTQI+ en Ukraine ?

Il est difficile de juger la presse étrangère. Je suis reconnaissante que l’on parle de cette situation. Néanmoins, les médias occidentaux ont, pour beaucoup, fait une focalisation sur les personnes trans, plus pour faire de l’émotionnel que pour vraiment parler de la situation ici. C’est un choix de facilité pour les médias, et puis comme ça, ils peuvent dire “c’est bon, on a parlé des LGBT, on peut faire autre chose.”

En résumé, les articles sur les personnes trans avaient peu de fond et étaient fait à la va-vite pour cocher la bonne case. Pour moi, cela vient d’un manque de formation de certain·es journalistes, mais aussi de l’instrumentalisation de la cause trans pour des intérêts politiques qui n’ont rien à voir avec nos besoins. 

De quoi avez-vous besoin ?

L’aide la plus importante dont nous avons besoin est d’informer sur la situation en Ukraine et notamment la situation des personnes LGBTQI+. Aujourd’hui, tous les programmes tournés vers les femmes, les enfants, les personnes âgées et aussi les LGBTQI+ sont à l’arrêt. 

Beaucoup de personnes sont laissées de côté et se retrouvent sans argent et sans travail. C’est catastrophique. Le chômage absolu qui touche l’Ukraine est compliqué pour tout le monde. Pour faire face à cette situation, on fait des collectes et on essaie de redistribuer au maximum. On manque de tout ici, jusqu’aux chaussures.

Si vous souhaitez aider les personnes LGBTQI+ restées en Ukraine, la Pride de Kyiv a mis en place une cagnotte, disponible à cette adresse. 

Propos recueillis par Elodie Hervé, grâce à la traduction assurée par Daiana Markosian. 

]]>
Les athlètes trans visé-e-s par « un traitement médiatique sensationnaliste » https://www.ajlgbt.info/blog/2022/04/16/les-athletes-trans-vise-e-s-par-un-traitement-mediatique-sensationnaliste/ Sat, 16 Apr 2022 09:06:13 +0000 https://www.ajlgbt.info/?p=1398 [...]]]> La victoire de la nageuse trans Lia Thomas le 17 mars 2022 a été suivie d’une vague d’articles transphobes, partie d’Outre-Atlantique pour arriver jusqu’en France. Pour comprendre les mécanismes d’un tel traitement médiatique, l’AJLGBTQI+ a interviewé le chercheur en études de genre Félix Pavlenko qui travaille notamment sur la représentation des sportifs-ves trans dans les médias.

Est ce que cet article (par Arnaud Leparmentier dans Le Monde) est un exemple de l’explosion de la transphobie dans les médias français ?

Oui et non. La question de la transphobie dans les médias français n’est pas nouvelle. Le traitement médiatique sensationnaliste des athlètes trans dans la presse française n’est pas nouveau non plus. Dans le cadre de mes recherches j’ai analysé 86 articles publiés dans la presse française entre 1977 et 2020. Même s’il est clair que la question des athlètes trans monte en intensité dans les médias français, (notamment par le biais de tribunes d’activistes anti-trans qui utilisent le sport pour asseoir leur agenda), ces discours s’inscrivent dans la lignée du traitement médiatique proposé jusqu’à présent. A chaque fois, on assiste à un mouvement de panique. On peut noter que l’ensemble des athlètes trans ayant fait l’objet d’un traitement médiatique en France subit des « maltraitances médiatiques » pour reprendre le terme de Karine Espineira (utilisation du mauvais prénom et/ou pronom, mise en scène de leur transition, discussions sur leur corps et notamment les parties intimes, peu ou pas d’informations sur leurs conditions de vie et de pratique du sport). Pour autant les femmes trans qui concourent dans les épreuves catégories femmes sont tout particulièrement visées et stigmatisées. 

Quelles similitudes cet article présente-t-il avec le traitement d’autres athlètes trans ou intersexes dont la pratique sportive a été impactée ? 

La principale similarité est le fait de partager des propos sous-entendant que certaines femmes ont un avantage physique qui remettrait en cause leur possibilité de prendre part aux compétitions sportives. On a vu sensiblement la même chose avec la championne olympique sud-africaine Caster Semenya. Comme d’autres sportives intersexes, elle s’est vue reproché de produire naturellement un taux de testostérone supérieur à la moyenne des femmes [cis]. Dans la presse, il a fallu plusieurs années avant de commencer à entrevoir une prise en compte des stéréotypes sexistes, racistes, classistes et intersexophobes en jeu. De nombreux·ses médecins ont été interrogé·es pour discuter de la notion de sexe biologique et de catégories sportives sans prendre en compte la longue histoire du test de féminité dans les compétitions. A savoir une série de règlements sportifs qui, depuis les années 1940, tentent d’instaurer des critères biologiques pour pouvoir concourir dans la catégorie femmes. Ces normes impactent toutes les femmes qui souhaitent pratiquer le sport puisque la non-correspondance aux standards de féminité dominante, occidentale, suffit à créer un soupçon. L’enquête d’Aurélie Olivesi sur le traitement médiatique de Caster Semenya en France montre que le terme « soupçon » est l’un des plus utilisés. Au lieu d’interroger les mécanismes sexistes et racistes derrière cette présomption de tricherie, le doute a souvent été maintenu par un traitement médiatique sensationnaliste. Dans le cas des femmes trans, on assiste aussi à une focalisation autour de cet enjeu. J’ai pu remarquer que 84% des sportives trans ayant fait l’objet d’une médiatisation dans la presse écrite française entre 1977 et 2020 ont au moins un article qui parle de leur supposé avantage physique. Dans la presse on trouve donc très souvent des extraits d’interview avec plein d’acteur·ices différent·es (adversaires, représentant·es de fédérations, militantes anti-trans, médecins etc.) qui viennent appuyer ces propos sans trop les questionner. Pourtant, des recherches scientifiques montrent que cet argument n’a pas de base fiable. La thèse de l’avantage physique se base principalement sur le présupposé que les hommes seraient naturellement meilleurs en sport que les femmes. Dans les études biomédicales des facteurs importants sont occultés. Par exemple, il y a peu de prise en compte des différences de taille et de poids à l’intérieur d’une même catégorie de sexe. En plus, les facteurs sociaux sont mis de côté dans l’explication des différences de performances entre les hommes et les femmes. On pourrait cependant interroger l’impact du manque d’accès aux infrastructures et aux équipements, la rémunération moindre, le manque de temps pour s’entraîner, la prégnance des violences sexistes, sexuelles et lesbophobes entre autres, que vivent quotidiennement les sportives. A l’heure actuelle ces questions sont malheureusement sous-explorées dans les médias. 

Quelles sont les erreurs factuelles du papier cité ? Quels éléments manquent, selon vous, pour que cet article​ soit plus proche de la réalité ? 

L’article commence par la description d’une photo de Lia Thomas seule sur le podium, à l’écart, pendant que sur la droite trois nageuses posent ensemble pour un·e photographe. Cette photo a été utilisée dans l’article du Monde pour illustrer la solitude de la nageuse face à des concurrentes qui défendraient son exclusion des compétitions. Ce que l’article ne dit pas c’est que sur la droite, il y a Erica Sullivan, médaillée d’argent aux jeux olympiques de Tokyo qui a publié une tribune en soutien à Lia Thomas (Dans Newsweek). Le journaliste mentionne cependant que cette photo a été principalement relayée « dans les milieux conservateurs ». Il y a pourtant là un élément important de contextualisation qui mériterait d’être exploré mais cela n’a pas été fait. 

Autre élément : la victoire de Lia Thomas est qualifiée de « première pour une athlète transgenre ». Cette approche est récurrente dans le traitement médiatique. Dans l’étude de la presse française, j’observe que 19 athlètes trans sur 26 ont été qualifié·es comme étant les premièr·eres. S’il est vrai qu’elle est techniquement la première femme ouvertement trans à gagner l’épreuve du 500 yard dans le championnat universitaire de natation états-unien, cette manière de présenter les choses reste discutable. Cette formulation crée deux effets : supposer que tous·tes les athlètes présent·es en compétition sont cis, hormis celleux dont le statut trans est connu. Présenter le phénomène comme nouveau, ce qui renforce le stéréotype d’invasion du sport par les personnes trans. De fait, la présence historique des personnes trans et la transphobie dans le sport sont effacées. Ce biais sensationnaliste permet au journaliste de ne pas faire l’effort d’ancrer les propos de l’article dans la continuité de la transphobie vécue par les sportives trans. 

On remarque tout au long de l’article l’absence d’informations cruciales pour comprendre les conditions d’accès au sport des personnes trans et les conditions dans lesquelles elles pratiquent leur sport. Il n’y a pas d’informations sur les conditions de vie des personnes trans aux États-Unis (ex : difficultés d’accès à de nombreux espaces vitaux dont le système de santé) ou sur les conditions de pratique du sport par les personnes trans (ex : difficulté d’obtention d’une licence sportive, nécessité de fournir des preuves intimes de la transition, violences verbales et physiques, etc.). Dans l’article on note aussi l’absence de la voix de Lia Thomas et des autres athlètes trans qui l’ont précédée. Les réactions violentes de ses adversaires y sont préférées et ne sont pas questionnées. Par exemple Reka Gyorgy (nageuse cis, donc non-trans) aurait été « privée de qualification pour la phase finale de la compétition » pour avoir terminée 17e. Cette affirmation est relayée telle quelle et vient donc soutenir les propos de la nageuse qui a pourtant nagé moins vite que 15 femmes cisgenres.  

Il est donc primordial pour les journalistes de saisir les conséquences d’un traitement médiatique sensationnaliste sur les athlètes trans et sur les représentations des personnes trans. Le traitement médiatique actuel tend à suggérer que les personnes trans sont des tricheur·euses qui vivent illégitimement dans leur genre. L’absence de réflexion sur les enjeux liés au dévoilement de l’ancien prénom, des chirurgies réalisées, ou de l’insistance sur certains traits féminins ou masculins (notamment dans l’enfance) renvoie l’idée qu’il est acceptable et normal pour les personnes cis d’avoir accès à ces informations. Finalement, il faudrait comprendre que la question des athlètes trans peut difficilement se poser sans prise en compte des discriminations que vivent les personnes trans dans la vie de tous les jours, y compris lors de la pratique du sport. 

Propos recueillis par Mathieu Brancourt

]]>
🌈 Et la nouvelle co-présidence de l’AJL est… https://www.ajlgbt.info/blog/2022/02/17/%f0%9f%8c%88-et-la-nouvelle-co-presidence-de-lajl-est/ Thu, 17 Feb 2022 16:11:35 +0000 https://www.ajlgbt.info/?p=1387 [...]]]> 2022 est là, et cette nouvelle année est en outre l’occasion pour l’AJL de présenter son équipe dirigeante, renouvelée lors de sa dernière assemblée générale, en janvier. Le bureau de 2022-2024 est co-présidé par Yasmina Cardoze et Yanis Chouiter.

L’AJL existe depuis maintenant près de neuf ans. Et, depuis début 2020, en pleine pandémie, alors qu’il était difficile de se réunir et que nous étions nombreux·ses à traverser des moments difficiles, l’association a réalisé des travaux époustouflants : une étude sur l’émission “Les Grosses Têtes” qui a eu un certain retentissement, deux “OUT : l’émission”, trois nouveaux chapitres du kit à l’usage des rédactions pour parler des thématiques LGBTQI+ avec respect, la quatrième édition des OUT d’Or, davantage de publications sur notre site, des formations dans des collèges enthousiastes… et tant d’autres.

En 2022, nous faisons le vœu d’une année marquée par de nombreux pas en avant vers l’égalité, d’un traitement médiatique des personnes LGBTQI+ encore plus juste et respectueux et d’un moindre impact de la pandémie de Covid-19 sur nos confrères, consoeurs et adelphes journalistes précaires. Nous veillerons également à ce que l’actualité politique ne soit pas un prétexte pour le recul de nos droits, acquis de haute lutte.

Parmi les objectifs de l’AJL cette année :  la publication d’une nouvelle version du kit “Informer sans discriminer”, la poursuite des formations et la consolidation de nos partenariats avec les collèges et écoles de journalisme et, évidemment, ami·e·s lecteur·trice·s, la poursuite de la newsletter. Nous continuons bien sûr notre veille sur le traitement médiatique des sujets LGBTQI+ et des autres minorités, en cette année marquée par une forte actualité politique.

💪

Les co-président·e·s de l’AJL, Yasmina Cardoze et Yanis Chouiter

]]>
Palmarès des Out d’or 2021 https://www.ajlgbt.info/blog/2022/02/17/palmares-des-out-dor-2021/ Thu, 17 Feb 2022 15:38:18 +0000 https://www.ajlgbt.info/?p=1331 [...]]]> Out d’or de la révélation numérique
Camille Richer / AJL

Lexie, militante transféministe qui anime le compte Instagram Aggressively Trans pour combattre les préjugés affectant les personnes transgenres

Illustration par Pamla

Jo Güstin, autrice des “Contes et légendes du Queeristan“, des histoires d’amour et d’aventures résolument politiques


Out d’or du documentaire

Dimitri Jean / AJL

Faut qu’on parle” d’Arnaud Bonnin et Lyès Houhou diffusé sur Canal+


Out d’or de la presse étrangère (prix Xulhaz Mannan)

Dimitri Jean / AJL

Les Grenades-RTBF (Belgique) pour “Double féminicide à Gouvy : “C’est un homme qui a tué deux femmes parce qu’elles se désiraient””.


Out d’or de l’enquête ou du reportage

Dimitri Jean / AJL

David Perrotin et Youen Tanguy, pour leur enquête “Suivi défaillant des jeunes LGBT, équipes «humiliées»: la direction du Refuge gravement mise en cause”, dans Mediapart


Out d’or du coup d’éclat éditorial

Le Quotidien de la Réunion et de l’Océan indien, pour sa Une et son reportage sur la Marche des Fiertés à La Réunion


Out d’or du coup d’éclat artistique

Elisabeth Perez, productrice de “La Fracture” et compagne de Catherine Corsini. Camille Richer / AJL

“La Fracture”, film de Catherine Corsini


Out d’or de la personnalité de l’année

Prix spécial décerné par un vote du public sur le site de l’événement.

Camille Richer / AJL

La DJ Leslie Barbara Butch qui milite contre la grossophobie et pour les droits des minorités



Out d’or d‘honneur

Camille Richer / AJL

Dominique Costagliola, épidémiologiste, et Christophe Martet, ancien président d’Act-Up et rédacteur en chef de Komitid, ont reçu un OUT d’or d’honneur pour leur travail de lutte contre le Sida et au côté des malades

]]>
Quatrième édition des OUT d’or le 9 décembre 2021 à 20h ! https://www.ajlgbt.info/blog/2021/11/18/quatrieme-edition-des-out-dor-le-9-decembre-2021-a-20h/ Thu, 18 Nov 2021 15:00:47 +0000 https://www.ajlgbt.info/?p=1320 [...]]]> Paris, le 16 novembre 2021 – L’Association des Journalistes LGBTI (lesbiennes, gays,
bi·e·s, trans et intersexes), a dévoilé les noms des nommé·e·s dans les différentes
catégories récompensées lors de la cérémonie des OUT d’or qui se tiendra le jeudi 9
décembre prochain
.

Sept nommé·e·s sont également en lice pour se voir décerner l’Out d’or de la Personnalité de l’année
et succéder à Bilal Hassani, élu en 2019 par le vote du public. Les votes pour cette année
sont ouverts sur le site: 2021.outdor.fr/votez-pour-la-personnalite-lgbti-2021/

]]>