L’Association des journalistes LGBT (AJL) salue la décision de la Cour d’appel de Paris, qui revient en partie sur la censure disproportionnée du livre d’Octave Nitkowski, Le Front national des villes et le Front national des champs (éd. Jacob-Duvernet), qui évoquait l’homosexualité et la relation de deux importants responsables du FN, dont Steeve Briois, secrétaire général du parti d’extrême-droite. Pour autant, l’association souligne les absurdités de la législation actuelle, qu’elle appelle à dépoussiérer.
Le TGI de Paris avait prononcé le jeudi 12 décembre cette interdiction — tant que les passages en question n’auraient pas été supprimés — au nom d’une interprétation particulièrement restrictive du droit à la vie privée, selon laquelle l’homosexualité devait forcément être tue, cachée. Jeudi 19 décembre, la Cour d’appel de Paris a ainsi estimé que «le droit du public à être informé de l’homosexualité de M. Briois prime sur le droit au respect de ce pan de sa vie privée». Selon les juges, Steeve Briois, secrétaire général du FN, «est une personnalité politique de premier plan», candidat aux municipales d’Hénin-Beaumont, une «commune dont le livre livre rappelle l’importance dans la stratégie de conquête électorale menée par le Front national».
L’AJL partage l’avis de la Cour d’appel de Paris: «L’évocation de l’homosexualité de M. Briois (…) est de nature à apporter une contribution à un débat d’intérêt général», particulièrement puisque ces deux personnes ont des responsabilités dans un parti connu pour ses positions homophobes. Sept mois après l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, cette information nous permet peut-être de commencer à comprendre la relative discrétion du FN lors des débats sur le mariage pour tous, alors même que le Front national s’est toujours opposé à l’égalité des droits.
Comme le rappelle l’auteur du livre, cette information revêt aussi un sens politique, éclairante sur les rapports schizophrènes du parti avec l’homosexualité. Pour le fondateur du FN Jean-Marie Le Pen (dont certains propos dans les années 80 ont contribué à la stigmatisation des homosexuel·le·s et des personnes vivant avec le VIH), être homosexuel·le est «un problème de vie personnelle» (Exit, 1995) et forcément honteux. En 2013, Steeve Briois et son compagnon considèrent toujours que «les révélations du livre sont discriminantes, péjoratives et dévalorisantes».
En revanche, la Cour d’appel de Paris juge que l’homosexualité de son compagnon, un responsable régional du FN, n’a pas à être divulguée car «la révélation de son orientation sexuelle» n’est pas «utile au débat démocratique». Les passages concernant ce dernier devront donc être retirés. L’AJL respecte le droit légitime à la vie privée mais s’amuse de la situation absurde que la levée partielle de cette censure crée pour les rédactions : les journalistes ne peuvent toujours pas évoquer dans le même sujet le nom des deux personnes concernées et leur homosexualité, sous peine de tomber sous le coup de la loi.
Plus que jamais, l’AJL juge nécessaire de dépoussiérer la législation sur la vie privée pour que celle-ci n’aille jamais à l’encontre de la liberté d’informer et que l’homosexualité ne soit pas reléguée à la sphère privée quand l’hétérosexualité est forcément publique.
L’AJL est une association rassemblant des journalistes lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT). Elle a pour objet de sensibiliser les rédactions au traitement de l’information relative aux LGBT et à favoriser la visibilité des journalistes LGBT.